J’en ai ma claque.

Voilà maintenant dix minutes que ce connard de vioc me vrille les tympans,  menaçant d’imploser à chaque instant au vu de la teinte prise par son visage depuis le début de notre « conversation ».

J’en ai ma claque.

Ça fait dix minutes qu’il menace de m’expulser, et d’appeler mon tuteur ; ben qu’il essaye, il aura une drôle de surprise tient.
« Pauv’ connard… »

Moi-même surpris d’avoir pensé à voix haute, je recule machinalement d’un pas. Le directeur implose finalement, et me hurle de quitter son bureau, et de filer en retenu. Bon ben, Kakure, c’est foutu, c’est plié, t’es bon pour le conseil disciplinaire…
« Et merde ! »

T’avais pas décidé un truc à ton arrivé ici non ? Genre, te fondre dans le moule, te faire discret, et te faire des potes…Surtout te faire des potes ? Et surtout te faire discret ?
Ho et puis qui s’en soucie ? Je les emmerde, tous ! J’les déteste, et j’les emmerde ! C’est tous des connards de faibles, et j’les déteste ! Qu’ils aillent tous crever ! Tiens voilà, qu’ils crèvent !

Je sens un truc glisser sur ma joue, c’est humide, c’est chiant, c’est froid. Yen a d’autres, et ça roule, et ça s’écrase sur le carrelage au sol. Je tremble aussi. Je crois. Je sais pas. J’en sais rien.

J’vois des gens au bout du couloir, j’les connais pas, mais j’m’en fout, je fonce dans les chiottes les plus proches, et me planque dans la troisième cabine. Je suis en boule sur le carrelage mouillé, froid, et dégueulasse des chiottes de mon lycée, tout seul, en train de chialer comme un con, et j’m’en branle pas. C’est chiant putain. Pourquoi je réagis comme ça ? C’est toujours comme ça en ce moment de toute façon ! Depuis ce fameux soir, cette fameuse découverte…

Je renverse ma tête en arrière, la frappant contre le mur derrière moi. Une fois, deux fois, trois, quatre, cinq… Je crois que je me suis ouvert un truc, et je crois que je saigne. Mais j’en suis pas sûr, du coup je continue, jusqu’à avoir mal, et là j’arrête. J’essaye de sourire, mais j’y arrive pas,  je me donne des claques, mais sa marche pas. Du coup, j’essaye de remonter les commissures de mes lèvres du bout des doigts, moi-même. J’ai l’air con, je le sais, même pas besoin de me regarder dans une glace pour le savoir. Mais pas seulement à cause de ce sourire qui n’en est pas un ; à cause de mes yeux rouges, cernés, mes cheveux en batailles, le bleu que j’ai sur la joue gauche, ma lèvre fendue et enflée, le sang qui me coule du front, l’eau qui roule, roule le long de mes joues, et qui finit de mouiller le carrelage.

J’inspire un grand coup, mais ça passe pas. Un autre, et rien ne bouge. Alors, je soulève mon t-shirt, pour constater l’étendue des dégâts ; une façon comme une autre de changer de sujet, et de penser à autre chose. A autre chose ? C’est quoi qui me met comme ça en fait ? Arrête de penser bordel !

J’ai des rougeurs un peu partout sur les côtes, mais ça devrait passer d’ici dix minutes. J’ai quelques bleus un peu partout, dont un plus gros que les autres sur mon côté gauche, et un autre sur le flanc gauche également.  Je crois que j’ai une côte fêlé, mais je suis pas sûr. A part ça, rien de grave. Faudra que je passe à l’infirmerie rapidement, après ma colle.

« J’ai mal… »

A ouai ? Bizarre !
« J’suis con… »

Un peu ! Qu’est-ce qui t’a pris de te battre ? Ils t’avaient même pas cherché ! Ils t’avaient rien dit ! T’as juste …foncé ? T’as juste pété un plomb et décidé de les provoquer, pour le plaisir !

Pourquoi t’as fait ça ?
« ‘sais pas… »

Au final ils t’ont lynché, l’un d’eux est à l’hosto, et toi tu vas peut-être te faire virer !

T’es suicidaire ?
« ‘sais pas… »

T’es taré ?
« ‘sais pas ! »

Surement !
Et surtout, tu pars en couille ! Totalement ! Tu descends, tu t’écrases, t’as touché le fond, mais t’espère encore descendre plus bas, alors tu grattes la terre à t’en arracher les ongles !

T’es pathétique !
« Je sais… »

Je me relève, après ce long, long, monologue intérieur. Je frotte mes fringues, vérifie que mon cul ne soit pas trop mouillé à cause de l’eau sur le sol. Soupire, et sort pour me passer de l’eau sur le visage. En me regardant dans le miroir, je souris. Parce que c’est nul, et que ça fait pitié.
J’inspire un peu de l’air puant des chiottes des mecs, et l’expire en poussant la porte. Avant de me diriger, enfin, vers la salle de retenu. En traînant les pieds, ça va de soi !

Arrivé devant la porte en bois, je stagne pendant quelques minutes, réfléchissant encore à ce que je vais faire, si je me fais virer, ou si je remonte pas la pente… Je secoue la tête, et tente de chasser toutes ces mauvaises pensés. Quand la sonnerie retentit, j’ouvre d’un grand coup de pied la porte branlante, sous le regard des quelques élèves présents (ils étaient deux !), et du tableau qui semblait lui aussi me lancer des regards assassins : lui aussi c’est trou du cul ! C’est bon, c’est qu’une porte les gars, calmez vos ardeurs !

Soupirant encore un fois, je traîna des pieds jusqu’à une place au hasard, et m’affala sur le pupitre de bois, lançant de vagues regards aux personnes présentent dans la salle, personnes que je ne connaissais pas…Ça s’annonçait long …

Au bout de quelques minutes pourtant, la porte s’ouvrit à nouveau. Laissant entrer une fi- ha non !
Laissant entrer un…homme tout ce qu’il y a de plus viril (dit le mec étant en réalité une gonzesse) ! Avec ses magnifiques cheveux blonds soyeux, et son regard emplie de guimauve et de bonbon au caramel tellement moue qu’on pourrait s’en servir de dégraissant pour cheminée !

Donc ! Oui, le mec viril était Afuro Terumi, un mec de l’Inazuma Team….Que j’avais rejoint (ce qui restait à ce jour le plus grand mystère de ma vie) ! Un mec de l’Inazuma Team donc, et qui était loin d’être mon meilleur ami… C’était une Diva, j’aime pas les Diva, POINT !
Plus sérieusement, ce mec était typiquement le genre de gars que je détestais sans véritablement savoir pourquoi, tellement il y avait de raisons différentes et parfois même contradictoires !

Je le vis s’assoir à trois bancs de ma place… Attend qu’est-ce il foutait là lui ? C’était pas son genre de faire de la colle ! C’est pas bon pour son image ça ! Son nouveau shampoing a des effets secondaires insoupçonnés ? A moins que ça soit son soin du visage… Arrête de penser à ça Kakure bordel c’est pas le moment !...Ho et puis en fait t’es en colle, et tu t’ennuis, fait ce que tu veux, t’attire juste pas plus d’emmerdes !
« Okay… »

Je me leva donc machinalement, poussé par une soudaine envie de connaissance (on comble l’ennuie comme on peut !), et alla m’installer juste à côté de mon cher coéquipier aimant lui aussi la boue, la transpiration, et l’odeur du gazon à trois heure du matin ;
« Qu’est-ce tu branle là toi ? »

Clair, net, efficace…Enfin, pas sûr qu’il me réponde, mais j’aurai tenté d’entamer la conversation c’est déjà ça !

De quoi je me mêle ? Okay, j’étais celui qui avait entamé la conversation, mais tout de même ! Quel con ; et voici que Môôôôôôsieur se permettait de me donner des conseils sur comment dépenser mon énergie ? Qu’il aille se faire mètre ! Comme tous les autres !...

Enfin bon, au point où j’en étais, c’était plus risible qu’autre chose ! Autant y aller franco, faire passer cette heure si, et le reste…Peut-être… J’avalai ma salive, et éclatai soudain de rire.
Je ne me calmai que quelques minutes plus tard en apercevant le regard aliéné que me lançait mon interlocuteur…Okay Kaku’ essaye de paraitre normal et…Saint d’esprit ? …Tâche compliquée en effet !...

Je levai un regard (peut-être un peu triste, je ne sais pas vraiment) vers lui, en souriant toujours légèrement ;

« Ho tu sais, là où j’en suis, je risque de plus pouvoir dépenser mon énergie autrement ! Autant commencer à se préparer ! Héhé ! »

C’était un rire amer…Merde ! Ressaisis-toi mon vieux, tu peux faire mieux que ça !
Je me mis à fixer le tableau alors que mes lèvres tremblaient, doucement, légèrement.
J’ai peur. Ouai, je l’admets, j’ai peur. Je suis terrifié, tétanisé à l’idée qu’on découvre la vérité, de retourner chez moi, de retourner à cette vie, face à eux, tous… Cette vie est pathétique, mais là-bas, elle sera juste… Ressaisis-toi bordel de merde !

...Et tu n'insultes pas non plus la dam-le messieur en face! Il t'as rien fait! TU TE CALME BORICE BORDEL DE MERDE PUTAIN!...Okay!!!...

Je me remis à regarder la Diva et son regard qui aurait pu faire pleurer Kim Jong Un en personne, lui faisant réaliser en une seule fois qu’en plus d’être un sale gosse, il était gros, moche, et con, avant qu’il se taille les veines de désespoir, et le tout en moins de 30 secondes…Bravo la diva, bravo ! Arrête de penser à des conneries deux minutes Kakure, sérieusement !
Il était plutôt mignon en réalité…Dommage qu’il soit un mec, il aurait pu avoir du succès auprès des filles si elles ne le prenaient pas pour une des leurs…Quoi que, il doit avoir du succès auprès des mecs ! J’en doute absolument pas !

Je soupirai, et tenta de changer de sujet ;

« Et sinon tu comptes faire quoi durant ta colle ? T’as combien d’heures à tuer ? »

Sans m’apercevoir que j’avais commencé à gratter le bureau en bois du bout de l’ongle.

Il (elle ?) avait évité la partie intéressante de la question. Tant pis, ou plutôt, tant mieux ( ?), je n’avais fait qu’essayer d’être polie, mais à tous les coups, s’il avait été suffisamment social pour répondre, ça aurait déboulé sur une conversation déplaisante. Bon sang, ça allait être long, on n’était pas seulement différents, mais totalement opposés. On n’avait rien en commun, même notre approche de ce qu’on pourrait appeler « la vie sociale » était totalement différente. Je soupirai, et me mordit soudain l’intérieur de la langue en sentant mon ongle se retourner sur le bois ; ho putain ça n*que ! Je fis de mon mieux pour que ça ne se voie pas, retirant aussi discrètement que possible ma main du bureau de bois, pour la ranger dans la poche de mon sweat. Bon, okay, y a plus discret, mais tant qu’il avait pas vu que ça saignait moi j’étais tranquille ! Je relevai mon regard vers lui quand il se décida à m’adresser la parole.

« T'en a pour combien de temps, toi ... ? »

J’étais assez surpris qu’il me le demande, et je pense que ça se voyait d’ailleurs. Je m’attendais à ce qu’il m’ignore royalement après avoir répondue à ma question, mais il avait choisis de relancer la conversation (enfin plus ou moins, lui aussi cherchait surtout à être polis à mon avis). Apparemment, je connaissais encore moins Afuro Terumi que ce que je croyais. C’est dommage. Je venais à peine de m’en rendre compte, et il n’y avait pas que lui. Je connaissais à peine (voir pas du tout), la plupart des membres de l’Inazuma Team, et même les élèves de ma classe étaient de parfaits étrangers pour moi. J’avais même pas essayé en fait. J’avais même pas cherché à les connaitre. Pourtant, j’étais venu pour ça…non ?
Sans m’en apercevoir, j’avais commencé à me mordiller la lèvre inférieure, oubliant qu’elle était fendue, et qu’elle saignait.
Après quelques secondes d’hésitation, je pris une moue mimant la réflexion, et fit mine de compter mentalement ;
« …Alors attends…un, deux…trois…hum… »

Puis après avoir intensément réfléchie, à des questions aussi existentielles que « au final j’en ai pris pour combien en fait putain de bordel de couille ? » (Très classe ouai, j’aime la discipline, la politesse, et la beauté de la langue !), je me décidai à lui répondre avec un sourire pleins d’incertitudes, et une moue un peu « au pire c’pas grave si je me trompe au verra c’est le talent ! » ;
« J’en ai putain de aucun idée en fait ! »

Je jetai un œil à la pendule ;
« Mais longtemps, ça je peux te l’assurer !... Faut juste attendre, en évitant de se faire trop chier…»

M’enfonçant au fond de ma chaise, je contemplai «l’ange déchu » qui me faisait face, et remarqua les feuilles à moitié blanches qui jonchaient son bureau, un sourire en coin, puis je relevai mon regard vers lui ;
« T’écris un poème emplie d’amour et de poneys ou bien tu t’emmerde et tu complètes ton journal intime ? » (ce qui au fond revenait au même)

Bon, ça a pas l’air comme ça, mais j’essayais vraiment d’être sympa sur le coup, et d’engager la conversation ! Si je me fais pas virer aujourd’hui, j’essaierais peut-être de le connaitre…

« Tant que je suis ici, autant étudier. Si toi tu préfères perdre ton temps, ce ne sont pas mes affaires. »

Je me mis à rire. Bon, c'était pas un fou rire incroyable, le genre qu'on se tape en regardant des émissions débiles le soir à la télé, en famille, autour d'une cheminé qui n'a jamais marché. Mais puisque je n'ai ni télé, ni famille, ni cheminé, je peux sans problème dire que je n'avais pas ris comme ça. Bon sang, elle pouvait être drôle la Diva;
"Ecoute...mec (faisons semblant de ne pas avoir hésité), je veux pas te vexer..."

J'avais un sourire jusqu'aux oreilles, et une énorme envie de me foutre de sa gueule, et d’ailleurs je ne voyais pas une seule raison de me retenir de le faire;
"Mais sincèrement, gribouiller pendant près d'une demie heure sur des feuilles petit carreaux, je vois pas vraiment ce que ça a de constructif!"

Certes, ce qu'il faisait n'était pas vraiment ce que j’appelais bosser, mais hey, je pouvais me tromper! Poussant un long soupir emplie de sous entendues, je fixais maintenant mon camarade avec un grand sourire.
Poussant un autre soupire, je remarquai le léger filet de sang s'écoulant de mon ongle, et fini par mettre le bout de mon doigt entre mes lèvres, histoire d'éviter d'en foutre partout/que ça s'infecte/pleins de trucs pas propres et pas sympas.

Certes la classe manquait dans ce geste, mais bon, on s'attendait rarement à voir un mec aux cheveux  tricolores boire le thé en levant le petit doigt.
Contemplant la salle, et détaillant chaque meuble, et chaque personne présente, je finis par conclure que je m'emmerdais grave. Et décida assez rapidement de revenir sur mon camarade aux cheveux fabuleusement longs!
Ce mec aurait facilement pu réussir dans le mannequina, vu son physique, sur cette pensée, j'en vint à me demander si son apparence lui avait déjà posée problèmes. Surement que oui...Enfin ça dépend de quel problèmes on parlait...Arrête de penser Kakure franchement!

Sortant de mes penser, je tenta une approche pour renouer la conversation avec mon camarade;
"Je m'emmerde ferme, t'aurai pas un truc intéressante à dire ou à faire?"
C'était une manière comme une autre d'engager la conversation!